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LES BÂTISSEURS

Entrevue avec Jean-Claude Labonté7 minutes 15 secondes

Je suis Jean-Claude Labonté. Je suis entré chez Marine en 1968 comme gréeur, épiceur, scaphandrier. J'ai terminé comme gréeur épiceur scaphandrier en 1990 quand Marine a été vendue. Ils ont déménagé les bateaux dans le bout de Québec.

Le plus gros du travail, c'était de descendre au fond. Parce que la rampe de lancement était sur des « carrosses ». Ces « carrosses » étaient sur des rails, qu'on appelle, et ça descendait jusqu'au milieu du Richelieu. Des fois, il se posait sur ces rails des débris, des corps d'arbres, toutes sortes de choses. Il fallait être sûrs que le rail était sur la trac. On allait inspecter ça à toutes les fois qu'un bateau descendait ou qu'il montait. Et puis, il y avait d'autres navires qui avaient besoin d'un appui. C'étaient des blocs de bois qui étaient moulés à la grosseur du navire.

La première descente, les plus vieux que moi étaient tous là et ils me regardaient. Ils m'ont fait remonter d'un seul coup pour savoir si j'étais capable. Parce que c'est impressionnant d'être là-dedans! Aussitôt que tu descends, il fait noir. Tu n'es pas accoutumé avec la valve. Ils ne te disent rien en partant.

Il faut que tu aies confiance au gars qui est en haut. C'est sûr que ta vie, c'est lui qui en décide. Il faut toujours que tu fasses bien attention à ta ligne de survie. Des fois, tu étais obligé d'entrer dans un bateau. Moi, j'étais sur l'équipe de renflouement de bateau, le plus souvent. Quand t'étais obligé d'aller dans un bateau, il fallait que tu fasses attention pour pas que la porte se referme sur tes lignes.

On est allé jusqu'en Gaspésie, aux Îles de la Madeleine. Le plus beau renflouement qu'on a fait c'est un pont dans la canal Welland. C'était impressionnant. Pour moi, c'était impressionnant! À Verchères, un peu partout, sur le lac Saint-Pierre, dans le Port de Montréal.

Des fois, il fallait aller poser des attaches, poser des câbles d'acier en-dessous des navires. Il y avait des gros réservoirs qu'il fallait installer de chaque bord du bateau pour pouvoir le relever. Ils mettaient de l'air, mais il fallait les attacher après le bateau avec des treuils qui étaient sur des chalands de chaque côté du navire. Des fois, on était deux, trois plongeurs.

Avant ça, c'était des pompes à main. Il fallait qu'ils pompent l'air. C'était deux personnes qui pompaient l'air.

Il y a des grosses roues après ça et il y a deux bonshommes qui pompaient. Plus tu descendais, plus ils tournaient. Il y avait des remplaçants. Ils tournaient régulièrement. Après ça, il y a eu la génératrice avec le compresseur. Là, on avait l'électricité et l'air du compresseur qui était filtré au charbon. Ça faisait partie de l'évolution.

C'était toute la même chose. Ça date d'au-dessus de cent ans ces bébelles-là.

Des fois, il y avait des câbles qui se prenaient dans les screw de navire. On se servait de ça pour aller découper. Si on était mal pris, on pouvait aller couper des affaires.

Ça nous aidait à voir quand on avait des jobs plus précises. Ce n'était pas merveilleux, mais ce n'était pas pire. Tu avais toujours à la traîner. C'est assez lourd. Elle avait sa pesanteur. Des fois, ça nous donnait un petit point de repère pour se déplacer.

Ici, on a une vitre qui s'ouvre. On appelle ça un hublot. Des fois, quand on ne voulait pas ôter toute la tête, le guide-plongeur nous ôtait ça. On pouvait le changer pour mettre soit une vitre adaptée pour la soudure ou bien une pièce amovible qui tenait par-dessus le hublot pour qu'on puisse souder au fond.

Ici, on a la valve. Ça nous donne de l'air ou ça nous en ôte. Si on veut lever, on ferme ou on ouvre. C'est notre vie. Ça ici, ça servait à tenir le tuyau qui... Le tuyau faisait le tour ici, il s'en venait par en avant et l'anneau on attachait ça par en avant pour pas que les câbles, que la ligne de survie nous tienne en arrière. Ici, c'était pour le radio. On avait un radio émetteur sur le chaland de plongeur qui nous permettait de communiquer avec notre guide.

Ça la grille, c'est parce qu'on se cognait souvent... pour empêcher que la vitre se casse. Bien souvent, il y avait une grille en avant aussi. Ce n'était pas tout le monde qui l'avait.

On avait une ceinture de plomb. On pouvait mettre la pesanteur qu'on voulait. Des fois, on en rajoutait ou on en ôtait. Dépendamment de comment on voulait être stable au fond. On avait des grosses bottines. Certaines c'étaient juste des sabots en brass. Les premiers c'étaient des bottines en cuir avec une semelle de plomb. Ils vissaient le plomb après la bottine.

Et puis, la profondeur... Il y en a qui ont plongé plus profond que moi mais... Savoir si pour remonter, pour ne pas revirer à l'envers, pour pas que tout saute... La pression est assez forte. Il y a un temps de décompression et ainsi de suite. Et toujours penser qu'il peut passer quelqu'un. Un navire qui passe, tu te fais brasser dans le fond. Il faut toujours que tu penses, tu penses, tu penses, tu penses... C'est ta vie. Ou bien des fois, comme c'est arrivé à Verchères, ils ont échappé une palette de ciment sur le chaland, mais les tuyaux étaient là. Les tuyaux se sont sectionnés. Ils ont rabouté ça de même là et ils ont remonté le plongeur. Là, tu ne t'occupes pas de ce qu'il fait noir. T'es mauvais quand t'arrive en haut.

La tranquillité. Il n'y a personne pour te dire quoi faire. Il n'y a personne pour t'obstiner. Même si je suis « obstineux » un peu. Tu es laissé à toi-même...

En partant, si tu n'es pas claustrophobe et si tu n'as pas peur, tu t'en vas au fond et puis... Ce n'est pas pire que de sauter en parachute.